On se pose à Dakar et le jour y décline,

l'horizon devient pourpre et déjà je devine,

la journée de demain à survoler les flots

pour mener à bon port notre avion à Rio .

 

Il faut dormir un peu et reposer le corps,

être prêt pour demain: Décollage à l'aurore.

Fermer un peu les yeux et se croire sur la grève,

imaginer Mermoz faisant un peu la trève.

　

Je fais le rêve curieux d'être assis à sa place

en train de survoler cet océan rapace

menant la " Croix du Sud " son hydravion mythique,

aux moteurs capricieux, dans un ciel cahotique.

 

Les nuages sont bas et lourdement chargés,

les moteurs qui cafouillent et qui ont des ratés,

m'emmèneront t-ils encore à Rio où Natal?

Ou ce vol sera t-il un rendez-vous fatal ?

 

Il reste encore des heures à survoler cette eau,

qui mousse et qui clapote sans jamais de repos;

et les moteurs qui crachent qui toussent et qui gémissent

qui s' arrêtent un à un me menant au supplice .

 

L' altitude s'amenuise comme une peau de chagrin

et ne laisse sous les ailes qu'un peu d'air et plus rien

L' avion fend la mer et d'un coup c’est l’abîme

ne laissant en surface que l' écume anonyme.

 

Me voici tout au fond, allongé sur des sacs

le courrier est perdu, tout est parti en vrac !

Les mots doux, les nouvelles, ne seront jamais lus.

C'en est fini de moi, dans l' instant tout s'est tu.

 

J' ai vécu dans mon rêve tes instants de malheur,

mais le temps est venu de quitter ma torpeur.

Pardon à toi Mermoz d'avoir pris dans ma tête

pendant quelques instants ta place et tes manettes.

 

Je t' ai fait revivre de façon bien fugace

la dure réalité de ces vols pleins d' audace,

où la hardiesse de l' homme y côtoie l' excellence

de voler dans le bruit pour trouver le silence.

 

Les avions, aujourd' hui, sont devenus très fiables.

Attends moi si tu veux à Rio sur le sable!

A Copacabana où tu venais jadis

poser ton hydravion dans une longue glisse.

 

Pour tes admirateurs tu es toujours bien là,

quelque-part sur le sable allongé tout là-bas...

La mer te ramenant, par la force du ressac,

ton hydravion si cher et avec lui les sacs.

 

Le courrier, qui en mer un beau jour disparût,

aujourd' hui par miracle, le voici revenu.

Demain il fera chaud et avec ses mains moites,

le facteur glissera le courrier dans la boîte.

 

la lettre pour laquelle tes beaux jours ont pris fin,

sans penser un instant aux souffrances qu'elle créa,

ni à l'homme qui mourut pour qu'elle arrive là .......

 

Gérard LE GALL